Au secours, tout va bien !
26/01/2017
« Tout va bien », « Nous n’avons pas de problèmes particuliers », « À l’exception de quelques détails, cela fonctionne »…
Au sein de votre organisation, peut-être êtes-vous familier de ces petites phrases optimistes qui, au premier abord, ne mangent pas de pain et ne portent tort à personne ? Au point de se demander si dans le fond, la méthode Coué ne serait pas une stratégie viable pour l’entreprise.
Parmi les exemples les plus courants, nous pouvons citer :
- Les séminaires d’entreprise : dans le but de galvaniser les équipes, on peut y profiter souvent de longues séances d’auto-congratulation collectives qui laissent peu de place aux problématiques opérationnelles du moment.
- Les comités inter-directions : dans le cadre des luttes de pouvoir interne, on s’y affiche plus positif et serein qu’en réalité.
- Les réunions d’équipe : bien que par essence très concrètes et opérationnelles, elles peuvent donner lieu à d’improbables argumentaires visant à prouver que le problème du moment n’est pas un problème. En résumé, que tout va bien !
Ces mantras destructeurs
En cette période de transformation digitale marquée par un rythme de plus en plus soutenu d’évolution des technologies, des usages et des attentes clients, l’environnement des entreprises n’a jamais été aussi mouvant et hérissé d’incertitudes. Le scénario plausible de l’Ubérisation généralisée, découlant de cet environnement concurrentiel instable, donne des sueurs froides aux Directions Générales y compris au sein des groupes les mieux établis.
Dans ces conditions, certains messages plus exagérément positifs que pragmatiques constituent une arme à double tranchant. Nier les problèmes est le meilleur moyen de ne pas les résoudre. Et des dysfonctionnements latents laissés à la dérive sont désormais trop handicapants pour que les organisations s’offrent le luxe de les minimiser ou pire, de les ignorer.
Voici une liste (non exhaustive) des conséquences perverses de ce genre de messages :
- Cette communication est un formidable encouragement à la démobilisation des équipes : Parce qu’après tout, si tout va bien pourquoi se fatiguer à améliorer quoi que ce soit ? Or aucune organisation ne peut se permettre de s’endormir sur ses lauriers par les temps qui courent. Un manager faisant preuve de ce genre d’optimisme béat, contre vents et marées, ferait tout aussi bien de porter un T-Shirt imprimé « Vive l’immobilisme !« . Et aujourd’hui, ne pas bouger, c’est mourir.
- Ces propos n’incitent pas à l’honnêteté : Parce que si tout va bien dans l’entreprise et que ça va mal dans notre équipe ou notre direction, c’est que nous sommes moins bons que les autres. Et c’est bien connu, les décideurs n’aiment pas les maillons faibles. Cette distorsion du lien entre le système décisionnel et le système opérationnel n’est pas propice à l’honnêteté. Cela à pour corollaire d’encourager le fameux phénomène du « Planquez-moi tout ça sous le tapis ! ». Et au fil du temps, les tapis finissent par culminer à la même hauteur que l’Everest. Et deviennent tout aussi infranchissables.
- Ce message peut être interprété comme une déconnexion profonde de la réalité du terrain : Si les managers et décisionnaires n’ont pas vocation à être aimés de tous, le fait que des dirigeants passent pour des individus « aux fraises » n’est une bonne nouvelle pour personne. Cette perte de crédibilité a des conséquences désastreuses : une désinvolture pouvant parfois aller jusqu’à la défiance de la part des profils opérationnels. Or, ce sont eux qui font tourner la boutique et qui sont au contact des clients. Bref, ce n’est pas un bon point.
L’entreprise est un monde peuplé d’êtres humains qui, en dehors de leurs heures de travail, sont des entrepreneurs, des pères et mères de familles, des membres actifs du milieu associatif, des bénévoles … Les traiter en adultes en leur adressant un message réaliste et responsable n’a rien de déplacé. Bien au contraire.
Créer un sentiment d’urgence
Sans verser dans l’alarmisme frénétique, il est primordial de créer un sentiment d’urgence au sein de l’entreprise pour démarrer le processus de mutation devenu inexorable afin de répondre aux défis du numérique.
Comme l’a écrit John Kotter (« Alerte sur la banquise ! », éditions Pearson, 2008), cette phase est la première des huit étapes à parcourir pour réussir un projet de transformation :
- Créer un sentiment d’urgence, afin de ne pas risquer une démobilisation générale au premier obstacle.
- Former une coalition puissante, car seule une équipe soudée et motivée peut faire aboutir un projet de transformation.
- Développer une vision, car seule une vision franche, honnête et crédible permet de mobiliser les énergies et canaliser les efforts
- Communiquer cette vision, pour faire comprendre et accepter le changement à tous les niveaux de l’organisation.
- Lever les obstacles au changement, éradiquer les barrières structurelles, managériales et comportementales afin de donner aux collaborateurs les moyens d’agir.
- Démontrer les résultats à court terme, car obtenir des résultats rapides permet de gagner en crédibilité et de conserver la motivation des acteurs clés.
- Bâtir sur les premiers résultats pour accélérer le changement, ne pas se relâcher et lancer les chantiers complémentaires nécessaires afin de maintenir l’élan.
- Ancrer les nouvelles pratiques dans la culture d’entreprise. Généraliser, systématiser afin de profiter durablement des bénéfices du changement et mieux conduire le suivant.
Le réalisme est l’affaire de tous
Même si ce message s’adresse en premier lieu aux dirigeants, il est important que tous les collaborateurs de l’entreprise s’approprient ces principes et osent endosser ce rôle de « réaliste – poil à gratter » souvent difficile à assumer.
Alors tentez vous aussi l’aventure ! Et si vous êtes taxé de pessimiste notoire, souvenez-vous de cette citation de William Arthur Ward :
« Le pessimiste se plaint du vent, l’optimiste espère qu’il va changer, le réaliste ajuste ses voiles. »
Merci de votre attention.